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>Le temps des missions>L'Indochine et les missions catholiques

 

L'introduction du christianisme en Indochine

L'histoire de l'introduction du christianisme dans les pays d'Indochine remonte au XVIème siècle, avec le passage de quelques missionnaires portugais, mais date en réalité de la prédication des Jésuites, et en particulier du Père Alexandre de Rhodes, né en Avignon, qui eut de tels succès au Tonkin que les mandarins jaloux obtinrent son expulsion en 1630.
Ses rapports à Rome ne furent pas étrangers à la nomination des premiers vicaires apostoliques de la Société des Missions Etrangères de Paris. En 1659, Mgr Pallu et Mgr de la Mothe-Lambert furent chargés, l'un du Tonkin, et l'autre de la Cochinchine.
Pour leur permettre de rejoindre leur poste, la Société des Missions Etrangères de Paris affréta en Hollande un navire, le "Saint-Louis", qui disparut dans une tempête au Texel avant d'avoir pu rallier un port. Les vaillants apôtres ne se laissèrent pas abattre et ils entreprirent à pied la route qui, par la Perse, l'Inde, le Siam, les conduirait en Extrême-Orient. A leur suite, pendant les quarante dernières années du XVIIème siècle, la Société des Missions Etrangères, soutenue par tout le clergé de France, envoya 96 missionnaires, dont beaucoup périrent avant d'atteindre le champ de leur apostolat.
Dès leur arrivée, les évêques de la Société des Missions Etrangères fondèrent des paroisses et se préoccupèrent de recruter un clergé et des communautés religieuses indigènes.
Dans l'intérêt des peuples qu'ils évangélisaient, ils favorisèrent les relations commerciales entre ces pays et la France. La Compagnie des Indes Orientales dirigea vers l'Indochine plusieurs de ses agents, et le premier comptoir de la France au Tonkin est dû à l'initiative de Mgr de la Mothe-Lambert.
A travers les dernières années du XVIIème siècle et tout le XVIIIème, le catholicisme de développa avec des alternatives de succès et de revers. Les rois et les mandarins bienveillants alternaient avec les rois et les mandarins tracassiers. Tantôt protégés, tantôt exilés, prêtres et évêques ne se décourageaient jamais. Les proscrits partaient accompagnés jusqu'au rivage par les mandarins chargés de les expulser. Leur petite barque s'éloignait du rivage, puis virait de bord et voguait droit sur la côte pour débarquer un peu plus loin les infatigables missionnaires.
Le rôle de Mgr Pigneau de Béhaine, au XVIIIème siècle, mérite d'être signalé. Roi exilé, Nguyên Anh balançait, pour reconquérir son royaume, entre les bons offices de l'Angleterre, de la Hollande et de la France. L'évêque d'Adran l'oriente vers la France, qui représente alors le catholicisme contre le protestantisme anglais et hollandais. il négocie en 1787 un traité qui assurait à la France des avantages en Cochinchine pour prix des secours qu'elle accorderait au roi proscrit. Le traité signé, le gouverneur de Pondichéry hésite à l'exécuter. Mgr Pigneau de Béhaine refuse le concours de l'Angleterre et prend l'initiative hardie de recruter une armée qui donne la victoire à son protégé. Devenu, sous le nom de Gia Long, roi et maître absolu de l'Annam, de la Cochinchine et du Tonkin, celui-ci se montra reconnaissant et proclama la paix religieuse.
Gia Long mourut en 1821. Son fils oublia vite les services rendus et il ouvrit en 1833 l'ère des persécutions qui devait ensanglanter, au XIXème siècle, la terre d'Annam.
Les martyrs se succèdent. En 1833, le bienheureux Gagelin est étranglé ; en 1835, le bienheureux Marchand meurt du supplice des cent plaies ; en 1837, le bienheureux Cornay est décapité, et bien d'autres.
La plus violente des persécutions fut celle de l'empereur Tu Duc, en 1858.
Elle redoubla d'intensité à la suite de l'intervention de la France et de l'Espagne.
Dans les vicariats du Tonkin confiés aux Dominicains espagnols, 47 prêtres et 3 évêques furent mis à mort.
Dans les vicariats confiés aux Missions Etrangères de Paris, les victimes furent plus nombreuses encore : 68 prêtres annamites, le tiers du clergé indigène, versèrent leur sang pour Jésus-Christ ; 80 couvents furent détruits, 2.000 religieuses dispersées, une centaine martyrisées. Des notables de toutes les chrétientés de l'Empire, au nombre de 10.000 environ, furent emprisonnés. Plus de la moitié donnèrent leur vie pour leur foi ; les uns étaient décapités après jugement régulier, d'autres brûlés en masse, enterrés vifs, jetés à la mer ou dans des fleuves ; beaucoup, surtout au Tonkin, moururent de faim. Il faudrait ajouter la destruction des chrétientés, dont les biens-fonds, rizières, maisons et jardins, furent donnés aux païens du voisinage. Les familles chrétiennes étaient anéanties ou dispersées : le mari dans une province, la femme dans une autre, et les enfants livrés au hasard. D'après les documents les plus sérieux, environ 40.000 fidèles périrent, pendant l'année la plus terrible, par suite des mauvais traitements, de la faim, des misères inouïes qu'ils endurèrent.
C'est au cours de cette persécution que fut mis à mort, après beaucoup d'autres, le bienheureux Théophane Venard, décapité à Hanoï, le 2 février 1861.
Le traité de Saïgon, en 1862, assura quelques années d'accalmie. A la mort de Tu Duc en 1883, le cruel Nguyên Van Tuong, chargé de la régence du royaume pendant la minorité de son fils, prit prétexte de toutes les interventions de la France, nécessitées par les exactions des "Pavillons Noirs", pour ordonner une persécution méthodique.
La conquête du Tonkin par les Français fut le signal du massacre en masse des chrétiens.
Ce ne furent plus des bandes isolées, mais des milliers et des milliers d'hommes, qui, soutenus par les soldats de l'armée régulière, enveloppèrent les villages, frappant partout sans distinction, parents ou amis, femmes ou enfants. Il y eut des hommes enterrés vivants, des femmes éventrées, des enfants précipités à la mer avec une pierre au cou, après qu'on leur eut coupé le nez, les lèvres et les mains. D'autres furent attachés vivants à des bananiers et jetés dans les rivières, d'autres brûlés vifs, d'autres coupés en morceaux.
Huit missionnaires, prêtres français, périrent ainsi dans les supplices, ainsi que sept prêtres indigènes, 60 catéchistes, 270 religieuses, 24.000 chrétiens sur 41.000, et cela dans la seule Cochinchine orientale.
Dans la région de Hué, il y eut 18 prêtres indigènes et 8.586 chrétiens massacrés dans la seule province de Quang-Tri.
Dans le Tonkin méridional, 4.800 catholiques furent tués ; 1.200 moururent de faim et de misère.
Cependant, la paix fut imposée et les missionnaires reprirent leur oeuvre d'évangélisation. Ils ne connurent plus les persécutions sanglantes. Mais ils subirent encore plus d'une vexation de mandarins fanatiques, souvent aussi plus d'une tracasserie des autorités françaises, lorsque le vent anticlérical de la politique intérieure passait les mers. Malgré les persécutions d'hier, le catholicisme en Indochine est en plein développement.

Les missions catholiques en 1930

Le gouvernement de l'Indochine, qui a son siège à Hanoï, se divise en cinq régions : le Cambodge, la Cochinchine, l'Annam, le Laos et le Tonkin.
Le Cambodge est un des plus anciens royaumes de l'Indochine. Les Cambodgiens, descendants des Khmers, ont une antique origine. Ils ont connu une brillante civilisation, dont il ne reste que des ruines grandioses, comme celles d'Angkor. Le protectorat français les a protégées contre les entreprises des Siamois et des Annamites et les a sauvées d'une disparition complète. Les Cambodgiens sont environ 2.700.000, de religion bouddhique, paisibles agriculteurs ou pêcheurs de rivières, durs à la fatigue, mais gardant du passé un sentiment d'orgueil et un certain goût d'indépendance.
Le capitale, Phnom-Penh, est le siège du vicariat confié aux Missions Etrangères de Paris et détaché en 1850 du vicariat de la Cochinchine orientale. 35 missionnaires européens et 72 prêtres indigènes, aidés par 89 catéchistes, 16 frères et plus de 400 religieuses, dont un grand nombre d'indigènes, s'occupent des 74.000 catholiques de ce vicariat et travaillent à la conversion des païens.
La Cochinchine est la plus ancienne possession française. Sur une superficie de 57.000 kilomètres carrés, elle compte environ 2.650.000 habitants. La majorité sont des Annamites. Le reste se compose de Cambodgiens, les anciens maîtres du pays, de Chinois, de Shans et de Malais.
La capitale, Saïgon, sur le large estuaire d'un des bras du Mékong, est un des ports les plus importants de l'Extrême-Orient. Elle groupe 108.500 habitants et est parvenue, a-t-on dit, à conserver "une physionomie bien française dans un décor tout asiatique". Près d'elle, Cholon, avec 195.780 habitants, est une ville toute chinoise de commerçants actifs et habiles.
Le vicariat de Saïgon est administré par les prêtres des Missions Etrangères de Paris ; on trouve 91.634 catholiques, avec 30 missionnaires européens, 102 missionnaires indigènes et plus de 780 religieuses, dont un grand nombre indigènes. Le grand séminaire et les écoles se développent de plus en plus.
L'Empire d'Annam a une superficie d'environ 150.000 kilomètres carrés, avec 5.100.000 habitants, dont 90% d'Annamites. Le reste se compose d'aborigènes primitifs, apparentés aux races malaises.
Les Annamites, apparentés aux Mongols, occupaient les provinces chinoises du Kouang-Si et du Kouang-Toung avant l'arrivée des Chinois. Sous la pression des nouveaux arrivants, ils cédèrent la place aux fils de Han et descendirent au Tonkin, puis dans les provinces de l'Annam actuel. Ils reçurent de leurs puissants voisins la plupart de leurs institutions, de leurs coutumes et de leurs moeurs. Leur religion est un mélange des traditions bouddhiques et du culte des ancêtres de Confucius.
Les Annamites sont de petite taille, mais de corps robuste et fortement musclé. Leur teint va de la couleur du vieil ivoire au blanc mat. Les pommettes sont saillantes, le front large et bombé, le nez épaté, les yeux noirs et expressifs, les dents noircies par le laquage artificiel ou gâtées par la mastication du bétel. Ils sont actifs, intelligents, avec la vanité de la science et des charges publiques : ils sont nés pour l'agriculture et la culture du riz. Ils s'adaptent cependant aux travaux industriels et leur main-d'oeuvre est appréciée.
La province d'Annam comprend les vicariats de Qui-Nhon, de Kon-Toum et de Hué, confiés aux Missions Etrangères de Paris.
Qui-Nhon compte 73.134 catholiques, dirigés par 44 missionnaires français, 89 missionnaires indigènes, 204 catéchistes et 242 religieuses. Hué a 74.650 catholiques, avec 39 missionnaires français, 100 missionnaires indigènes et 552 religieuses. Le grand séminaire recrute facilement des élèves. Le 11 janvier 1932 a été érigé le vicariat apostolique de Kon-Toum, détaché du vicariat de Qui-Nhon, et confié aux Missions Etrangères de Paris.
Le Laos est une vaste contrée montagneuse située entre l'Annam, le Siam, la Birmanie et le Yunnan. La moitié de cette région fait partie de la zone d'influence française.
Les Laotiens se rattachent à la race des Thaïs du Haut Tonkin et du Siam, mais sont fortement métissés par des croisements avec les autres races.
Le Laos n'est pénétré, au point de vue catholique, que depuis 1876. Le vicariat apostolique du Laos, érigé en 1899, s'étend sur le Laos tout entier et comprend 3.500.000 habitants : 18.964 seulement sont catholiques. La résidence est à Nong-Seng par Tha-Khé, province de Nakhon-Phanom.
22 missionnaires des Missions Etrangères, 6 missionnaires indigènes, aidés de 96 catéchistes et 91 religieuses, travaillent à la conversion de ces populations. Le Laotien est apathique, indifférent au point de vue religieux, et de plus enclin à la superstition et au culte des "phi" ou génies malfaisants. Il aime les moeurs faciles. Grand voyageur, à chaque étape il prend femme, sans s'occuper des unions précédentes, qui ont duré six mois, un an au plus. On comprend dès lors les difficultés de constituer des familles chrétiennes.
Le Tonkin a une population d'environ 7.160.000 habitants, dont 5.800.000 Annamites, sur une superficie de 106.000 kilomètres carrés. Les Européens sont environ 10.000.
Le bas Tonkin, région deltaïque, très fertile et surpeuplée, compte au kilomètre carré plus de 300 habitants, tous Annamites. Cette partie, très industrialisée, avec ses mines de charbon et ses multiples usines, évolue rapidement.
Le haut Tonkin, couvert de collines et de montagnes, est le domaine des tribus, 500.000 environ, de race thaï, chinoise ou tibétaine.
Le Tonkin comprend neuf circonscriptions ecclésiastiques : les vicariats de Vinh, Phat-Diêm, Thanh-Hoa, Hung-Hoa, Hanoï sont confiés aux Missions Etrangères de Paris. Depuis le XVIIème siècle, les Dominicains espagnols évangélisent les vicariats de Bui-Chu, Haïphong et Bac-Ninh. Les Dominicains de la province de France sont chargés de la préfecture de Langson.
Vinh compte 144.072 catholiques, avec 24 prêtres français, 180 prêtres indigènes, plus de 150 religieuses et 150 catéchistes.
Phat-Diêm, 134.459 catholiques, avec 35 prêtres français, 135 prêtres indigènes, 123 religieuses et 225 catéchistes.
Thanh-Hoa, nouveau vicariat érigé en avril 1932, est confié aux Missions Etrangères de Paris après démembrement du vicariat de Phat-Diêm.
Bui-Chu, 330.000 catholiques, avec 27 Dominicains, 180 prêtres indigènes, plus de 700 religieuses et 690 catéchistes.
Haïphong, 92.000 catholiques, avec 22 Dominicains et 69 prêtres indigènes, aidés par 135 religieuses et 328 catéchistes.
Hung-Hoa, 46.596 catholiques, avec 23 prêtres des Missions Etrangères et 37 prêtres indigènes, près de 50 religieuses et 110 catéchistes.
Hanoï, 164.620 catholiques, avec 35 prêtres des Missions Etrangères, 143 prêtres indigènes, plus de 400 religieuses et 402 catéchistes.
Bac-Ninh, 44.250 catholiques, avec 14 Dominicains et 56 prêtres indigènes, 80 religieuses et 129 catéchistes.
Langson, 2.012 catholiques, avec 12 Dominicains et 5 prêtres indigènes, 35 religieuses et 13 catéchistes.
Il y a donc aujourd'hui, en Indochine, près de 1.300.000 catholiques répartis en 15 vicariats ou préfectures, avec 318 prêtres européens, 1.185 prêtres indigènes, 2.437 catéchistes, plus de 3.500 religieuses, européennes et indigènes. 1.783 écoles groupent 121.172 élèves.
La vie contemplative est florissante. Carmels et Trappes indigènes se recrutent facilement. Des Congrégations religieuses s'installent dans les divers vicariats comme dans les diocèses de France : ainsi les Franciscains ont constitué à Vinh un couvent de leur ordre ; à Hanoï, les Rédemptoristes canadiens ont ouvert une maison ; les Sulpiciens prennent le Grand Séminaire ; les Dominicains ouvrent pour les étudiants la "Maison Lacordaire".
L'avenir du catholicisme donne les plus belles espérances et l'organisation du clergé indigène dégage la religion catholique de la note "étrangère" dont elle a nécessairement revêtu les apparences par suite de la conquête française. On persécutait autrefois les chrétiens parce que "amis des Français". A l'heure actuelle, il y a dans l'Annam, comme partout, un mouvement indigène qu'on ne saurait méconnaître. La politique d'association, prônée par les milieux officiels coloniaux, est depuis longtemps celle de l'Eglise. Lorsque la hiérarchie indigène sera organisée, l'Eglise apparaîtra plus facilement aux yeux de tous avec son véritable caractère et il est permis de croire que ce sera le point de départ d'une nouvelle extension du catholicisme dans toute l'Indochine.
Un prêtre indigène, Mgr Jean-Baptiste Tong, vient d'être nommé, en janvier 1933, coadjuteur avec future succession du vicaire apostolique de Phat-Diêm. Ce vicariat est le premier, en Indochine, qui sera ainsi confié entièrement au clergé indigène.

Monseigneur André BOUCHER
(Petit Atlas des missions catholiques, 1933)


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