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Industrie, commerce, finances, tourisme (1946)

L'industrie minière
Bien que les ressources du sous-sol, à coup sûr considérables, soient encore mal connues, certaines ont été, aux temps anciens, l'objet d'exploitation par les indigènes. Un peu partout, des gisements de fer ils tiraient le métal nécessaire à la fabrication des instruments aratoires. Le cuivre du Tonkin intéressait les Chinois, de même des gisements de zinc, d'étain, de plomb argentifère, d'or furent exploités. Le saphir est toujours extrait des mines de Pailin, au sud-ouest de Battambang, et dans le haut Mékong, où le rubis est aussi recherché. Des carrières, les autochtones tiraient du marbre, du kaolin, du granit, des grès. Mais, malgré les affleurements visibles, ils ont délaissé l'exploitation des bancs de charbon du Nord.
Pour mettre en valeur les gisements métallifères et de combustible, les entreprises privées françaises ont construit des voies ferrées, des centrales électriques, ouvert des ports, introduit un matériel de transformation des produits : fonderies, fabriques d'agglomérés.
Les neuf dixièmes de la production minière sont au Tonkin. Le charbon représente 77 % de la valeur, le zinc 12 %, l'étain 11 %.
Les charbonnages : Plusieurs entreprises exploitent le magnifique gisement affleurant, sur 150 kilomètres, entre Sept-Pagodes et la baie d'Along. L'anthracite tonkinois était importé en France, avant la guerre, par le cap de Bonne-Espérance, pour éviter les droits de péage du canal de Suez. 250.000 tonnes nous parvinrent en 1937, portant la concurrence aux anthracites anglais et russes. Mais ces importations sont tributaires du prix du fret. Le charbon du Tonkin possède un pouvoir calorique assez élevé et doit être mélangé, pour les usages courants, à du charbon gras. Son exploitation est facilitée parce qu'elle se fait à ciel ouvert. Elle a occupé jusqu'à 40.000 travailleurs et provoqué l'installation d'un important outillage d'extraction et de manutention. Des agglomérés sont fabriqués pour utiliser le poussier et fournir, en briquettes, un combustible brûlant facilement qui est employé notamment pour la chauffe des locomotives. La consommation locale de la houille (600.000 tonnes) est encore faible, mais elle ne pourra que croître, de même que l'exportation, malgré la concurrence qu'elle rencontre sur les marchés d'Extrême-Orient.


Le découvert de Campha-Mines

De 200 tonnes au début du siècle, l'exportation du charbon a atteint 1.450.000 tonnes en moyenne dans la période 1933-1937. L'Indochine s'est ainsi placée au deuxième rang des pays de l'Asie Orientale exportateurs de charbon, après la Mandchourie.
Le zinc : Le minerai de zinc se trouve au Tonkin, entre le fleuve Rouge et la rivière Claire, dans la région comprise entre Tuyen-Quang et Lang-Hit. La calamine est traitée par la fonderie de Quang-Yen. Le minerai était vendu à la Belgique, à la France, à l'Allemagne, au Japon, ce dernier étant à peu près le seul acheteur du métal. Aux années de forte production, on relève 59.000 tonnes de minerai en 1927 et 4.290 tonnes de métal en 1929.
L'étain : Le minerai d'étain se présente sous forme de cassitérite à l'ouest de Caobang, au Tonkin, ainsi qu'au Laos, où il y a des gisements de haute teneur.
Une mention doit être faite au wolfram; quant aux autres minerais plomb, argent, cuivre, chrome, graphite, phosphate, etc., l'exploitation a été jusqu'ici faible ou intermittente.
Le ciment : Pour le ciment, les exportations sont passées de 4.000 tonnes en 1905 à 135.000 tonnes en 1937. Elles se heurtent à une concurrence croissante qui entraîne une diminution du prix de vente. Les principaux acheteurs étaient la Chine, Singapour, Hong-Kong et les Philippines

L'industrialisation
Il a été dit que l'industrialisation ne semblait pas être un remède efficace à la surpopulation. Sans doute. Elle permett néanmoins d'occuper plus de 200.000 ouvriers, dont une bonne partie, il est vrai, sont employés dans les mines.
L'énergie : Pour actionner les centrales d'électricité, l'Indochine dispose de ressources d'énergie par l'utilisation du charbon, la production de gaz de bois, d'importantes réserves enfin de force hydro-électrique. Celle-ci est malheureusement soumise aux aléas de l'irrégularité des cours d'eau et ne représente encore que 2.000 kilowatts contre les 18.000 produits par les centrales thermiques.
Des entreprises privées fournissent le courant en Cochinchine, au Tonkin, au Cambodge; elles pourront augmenter le rendement du matériel en place. D'ores et déjà, l'électrification des grands deltas est très poussée; elle transforme la vie industrielle, assure un réel confort à la vie domestique, apporte d'incontestables facilités à l'artisanat, permet enfin de développer l'hydraulique agricole par l'élévation de l'eau nécessaire à l'irrigation au moyen de pompes.
L'industrie de l'électricité occupe 3.000 ouvriers.
Les rizeries : Le décorticage et le blanchissage du paddy est assuré par des sociétés françaises et des entreprises chinoises installées la plupart à Hanoï, Haïphong, Nam-Dinh et Cholon. De la transformation résulte une économie des frais de transport, car d'une tonne de paddy la rizerie donne 620 kilos de riz blanc, 50 kilos de brisures et 100 kilos de farine blanche. Les rizeries ont augmenté avec l'accroissement de la production. Vingt-sept fonctionnaient à Cholon, presque toutes entre les mains des Chinois. Mais les Annamites eux-mêmes ont multiplié les petites usines actionnées par un moteur à mazout.
On évaluait, en 1937, à un milliard de francs la production livrée par les rizeries qui, à Cholon, peuvent débiter jusqu'à 7.500 tonnes par jour et emploient 3.000 ouvriers pendant la période de grand rendement qui commence le 15 décembre et s'achève à la fin du mois de juin.
Les distilleries : Elles occupent 4.000 travailleurs, consomment près de 100.000 tonnes de riz et dérivés. En 1937, elles ont produit : en Cochinchine, 156.000 hectolitres d'alcool; au Tonkin, 146.000. On compte une cinquantaine de distilleries françaises, annamites et chinoises. Certaines fournissent de l'alcool vendu comme carburant.
Divers : Deux raffineries de sucre sont installées près de Saïgon. Avec une troisième, elles fabriquent 18.000 tonnes, ainsi que du rhum et de l'alcool.
Les brasseries sortent annuellement une cinquantaine de milliers d'hectolitres de bière.
2.000 ouvriers sont employés dans les manufactures de cigarettes, notamment à Saïgon et Cholon, produisant 4.800 tonnes.
On doit à des Indochinois la création de savonneries et d'huileries. L'une de ces entreprises fabrique, à Cholon, 500 tonnes de savon par mois.
D'importantes filatures de coton ont été créées à Haïphong, Hanoï et Nam-Dinh par la Société cotonnière de l'Indochine. Le coton employé est, pour la presque totalité, d'importation. Le nombre des ouvriers serait de dix mille.
La verrerie satisfait les besoins locaux et figure aux exportations pour 1.200 tonnes.
Sériciculture et industrie de la soie : L'élevage du ver à soie est pratiqué depuis des temps immémoriaux et tient une place importante dans l'économie du pays. La race des vers à soie à cocons jaunes est bien acclimatée; elle donne sept à huit générations par an. Il faut de vingt à vingt-cinq kilos de cocons pour obtenir un kilo de soie grège, filée à l'européenne. Sauf dans les grands centres séricicoles de Cochinchine et du Cambodge, les éleveurs ne récoltent guère plus de vingt à cinquante kilos de cocons en une seule fois. L'élevage se fait dans l'habitation, les vers à soie étant placés dans des paniers de bambou superposés sur des étagères, entourés d'un treillage pour protéger contre les mouches et les moustiques. Des maladies épidémiques ravagent souvent les vers, surtout la pébrine.
La sériciculture a rencontré en Indochine la concurrence de la rayonne et des grèges de Chine. Les manufactures locales, auxquelles l'éleveur livre les cocons, fournissent la consommation locale; celle de Phu-Phong a produit 517.000 mètres de tissus en 1937.
Industrie des tapis : Dans les sections indochinoises des expositions, on a pu admirer de beaux tapis à points noués qui sortent de fabriques du Tonkin où travaillent six cents ouvriers. Fort recherchés dans la Métropole, ces tapis, faits de laine importée, sont remarquables par la qualité, les dessins et les coloris.
Des tapis-brosses en fibre de coco sont produits dans le Nord, où les manufactures de sparterie emploient un millier d'indigènes. Malheureusement, l'entrée de ces articles est contingentée dans la Métropole.
Signalons encore des manufactures d'allumettes, de peintures et de vernis, d'articles en caoutchouc, de fabriques de boutons, d'explosifs et de pièces d'artifice, des usines produisant l'oxygène. Elles montrent la diversité des initiatives privées.
Il y aurait place pour d'autres industries huileries pour le traitement du coprah, sècheries et conserves de poisson, hauts-fourneaux, jus de fruits, etc.

L'industrie de la pêche
Si l'industrie de la pêche était soutenue, elle serait un des éléments de la richesse du pays.
Actuellement, l'exportation du poisson frais est insignifiante : une tonne par an. La fourniture aux centres de la colonie ne représente guère plus de deux tonnes par jour. Le poisson séché ou fumé trouve, en dehors de la clientèle locale, des débouchés au Siam et en Chine.
La fabrication du nuoc-mam est la principale industrie annamite des produits de la pêche. Elle emploie certaines espèces de poisson. Une saumure est obtenue en laissant macérer le poisson avec du sel dans des cuves de bois pendant trois mois et demi à un an. Par un robinet de bambou fixé à la base, le jus doré est recueilli, versé dans des poteries généralement grises, et vendu sur les marchés. Le produit, riche en azote, s'améliore avec le temps. Il est d'une odeur agréable, en opposition avec l'odeur infecte qui se dégage des lieux de la préparation. La consommation locale serait de 35.000 tonnes; le reste, environ 730 tonnes, est envoyé en Chine, à Singapour et à Hong-Kong.
L'inventaire des richesses de la faune marine a été établi par le service océanographique; il en est résulté que des chalutiers à vapeur ou à moteur pourraient tirer des quantités considérables de poissons des fonds. A proximité du charbon et de l'eau douce, il serait intéressant d'installer des sécheries et des usines de sous-produits. Notons que la préparation indigène du poisson laisse de gros déchets qui devraient être employés à la fabrication des graisses, d'engrais azotés et de condiments.
Si des expériences malheureuses ont été tentées, il n'en serait pas moins possible d'alimenter, avec succès, une usine pour la préparation et l'exportation de conserves de crevettes, de langoustes, de crabes, de filets de sole. Une installation de séchoirs mécaniques, alimentée par de grands chalutiers à plateaux, pourrait procurer aux marchés chinois un tonnage appréciable de poisson salé, séché ou fumé. La pêche aux grands cétacés produirait une quantité d'huile non négligeable et des fanons. Les peaux de squale, les ailerons de requin, dont les Chinois sont si friands, les vessies natatoires deviendraient l'objet d'un trafic plus important.
Ajoutons que le sel est extrait des eaux marines et qu'en dehors de la consommation locale que les salines assurent, quelques milliers de tonnes sont exportées au Japon et en Chine sur les 225.000 extraites annuellement.
Dans un pays où la base de l'alimentation est le poisson après le riz, la technique française doit intervenir pour améliorer une industrie restée traditionnelle. Les Annamites sont mal outillés pour la pêche en haute mer et le dragage des fonds. Ils ne sont pas marins; leur civilisation ne s'est jamais beaucoup intéressée aux choses de la mer et le matériel dont ils disposent est rudimentaire. D'ailleurs, les Chinois viennent pêcher dans le golfe du Tonkin avec des jonques d'une quarantaine de tonnes montées par une quinzaine d'hommes d'équipage et embarquent des poissons ressemblant à ceux de nos mers : sardines, maquereaux, thons.

L'industrie indigène
Auprès de ces activités dues à la technique moderne, il y a lieu de mentionner l'industrie indigène, bien qu'elle n'opère que suivant des procédés archaïques, n'utilisant ni force motrice, ni machines, et ne résultant que du travail humain. Les faibles quantités d'objets exportés en provenant sortent d'entreprises qui s'élèvent au-dessus du travail familial peaux tannées, fils de soie ouvrés à l'européenne, etc. Les ateliers indigènes fabriquent également pour l'exportation des dentelles, des broderies, des nattes de jonc, des articles de vannerie en végétaux bruts, de la vannerie fine, des éventails en papier, des meubles en bois sculpté ou incrusté.
Si l'Indochine est avant tout un pays agricole, l'artisanat n'en mérite pas moins tous les encouragements. Le travail industriel n'est qu'un pis aller pour l'Annamite qui n'aime que le travail de la terre. Mais l'artisanat fournit quantité d'objets utiles à la vie courante des agglomérations et, bien dirigé, stimulé, il pourra tirer une rémunération intéressante de ses exportations.
« L'Annamite, a écrit Pierre Pasquier, n'a pas encore entrevu cet idéal industriel que permet la présence de l'homme habile et le groupement de capitaux. Il n'a pu concevoir jusqu'à aujourd'hui d'autre forme industrielle qu'une sorte de caste dans laquelle on rencontre des artisans mais non des industriels; c'est ainsi que certains villages font des soieries, d'autres des incrustations, et cela depuis des siècles, mais la concentration sur un même point d'individus ayant le même métier n'a pas amené la constitution de vastes entreprises; chaque famille travaille à part et la présence de deux ou trois ouvriers dans une maison constitue une exception fort rare. »
Les villes comptent de nombreux artisans de la maroquinerie et de la cordonnerie. L'indigène fait des eaux-de-vie, des conserves de volaille, de fruits, de légumes, des fromages de soja. Avec des moyens primitifs, il fabrique le papier, produit des bijoux en or et en argent, travaille le bois, est fondeur, fait des poteries grossières.

Le commerce extérieur
De 172 millions en 1892, le commerce extérieur est passé à 2.600.000.000, moyenne de la période quinquennale 1933-1937. Il représentait 26 piastres par tête d'habitant, tandis qu'il n'était que de 14 piastres dans l'Inde et de 10 en Chine.
Par intermittence, les ventes de la Métropole ont été supérieures aux achats. Avant la dernière guerre, on constatait une diminution du pourcentage du riz dans l'ensemble des sorties et l'accroissement des exportations du maïs qui se plaçait avant le caoutchouc, l'augmentation de cette matière première et des produits miniers ainsi qu'il ressort du tableau ci-après :
Produit..................................................Moyenne
.............................................1913-1917...........1932-1937
Riz et dérivés..........................65,3......................49,2
Maïs............................................2,9......................14,0
Caoutchouc...............................0,8........................8,4
Charbon.....................................2,1........................5,6
Poissons secs.........................3,7........................4,7
Poivre.........................................1,0........................1,4
Peaux brutes............................1,2........................1,1
L'économie de l'Indochine reste encore celle d'un pays neuf qui vit de ses exportations agricoles. C'est en 1905 que, pour la première fois, le maïs a figuré aux exportations. Il fournit à la fois la consommation locale et les sorties, pour lesquelles la France était à peu près l'unique acheteur. Le rôle de la Cochinchine est prépondérant dans les exportations, où elle compte pour une valeur quatre fois supérieure à celles du Tonkin, l'Annam n'y ayant encore, comme le Cambodge, qu'une très faible part. On ne saurait prévoir, dans la conjoncture, quelles seront les orientations de la production quand, l'ordre rétabli, les transports maritimes permettront la reprise des échanges.
Aux importations, les tissus venaient en tête, devant les ouvrages en métaux et machines.
En 1937, les principales importations étaient, en valeur, les suivantes
Tissus : 371 millions.
Métaux, ouvrages en métaux, machines, fers et aciers : 236 millions.
Huiles minérales : 82 millions.
Venaient ensuite, en bonne place, le coton brut, les engrais chimiques, le papier, les produits de bouche farine, lait, conserves.
Les tissus de coton, en provenance de France surtout, occupaient une position très forte; il en était de même des tissus de laine, de lin et de chanvre, des ouvrages en métaux, des articles de cuir et des automobiles. Notre industrie aura à remplacer l'Allemagne dans la fourniture des machines électriques, des objets d'aluminium et des constructions métalliques. Pour les tissus de soie, la France et la Chine sont les fournisseurs de l'Indochine. Celle-ci fait une grosse consommation de parapluies noirs et surtout verts; l'article est en vogue chez les habitants des régions deltaïques et montagneuses, qui s'en servent aussi bien contre le soleil que contre la pluie.
Huiles de pétrole raffinées, essences, huiles lourdes étaient importées des Indes néerlandaises et des Etats-Unis, le goudron de houille et le bitume du Japon, le coton et la ramie des Indes anglaises.
Parmi les denrées, celles consommées indistinctement par toute la population comprennent le sucre et le tabac; celles consommées principalement par les Européens sont les vins, les liqueurs, les eaux minérales, les conserves de viande et de poisson, le beurre, le lait condensé, les fruits frais; celles destinées aux indigènes viennent de pays d'Extrême-Orient : le soja de Hong-Kong et de Mandchourie, le thé de Chine, les produits médicinaux de ce dernier pays.
Les taux élevés des droits de douane ont favorisé les importations de France et des colonies; mais leur élévation excessive ne servirait qu'à réduire la consommation si la Métropole n'était pas en état de fournir certains articles.
Le fait que l'Indochine est obligée d'acheter à l'étranger, pour une somme importante, des matières premières d'origine tropicale, est l'indice de son insuffisant développement agricole, et parmi celles-ci il faut citer le coton, le soja, le tabac, le sucre, des huiles végétales.
De zélés statisticiens ont démontré que la masse, c'est-à-dire la classe pauvre, ne consommait qu'une très faible partie des produits importés, ce qui s'explique étant donné son pouvoir d'achat insignifiant et les impôts qu'elle supporte. Il est de l'intérêt des Européens et des originaires aisés qui siègent dans les Assemblées de ne pas décharger leur catégorie de contribuables sur la masse pauvre.
Naguère, par exemple, un Gouverneur général décidait de frapper les bénéfices commerciaux de taxes légères. Sa décision avait été entérinée par les Assemblées. L'interventionnisme métropolitain mit aussitôt en échec l'initiative de l'autorité locale prise avec une exacte connaissance de la situation. Député en tête, une délégation d'une trentaine de représentants des entreprises industrielles, commerciales et agricoles se présenta au ministre et, en violation des principes de décentralisation, obtenait du chef, unilatéralement informé, que des instructions fussent adressées à Hanoï pour annuler les mesures prises. Il fallut trouver les ressources utiles en élevant une taxe qui frappait l'ensemble de la population. Cet exemple n'est pas unique. Il en est d'analogues en Indochine et dans les autres territoires d'outre-mer. Il est à souhaiter qu'ils ne se répètent plus, car de telles pratiques finissent par expliquer les mécontentements qui se manifestent chez des collectivités au niveau de vie très bas.
Mentionnons enfin que les échanges entre l'Indochine, la France et les colonies ont doublé en vingt-cinq ans. La moyenne des pourcentages de 19,6 % aux exportations et de 29,6 % aux importations pour la période de 1911-1920, était passée, en 1938, respectivement à 53 % et à 57,1 %.

L'investissement des capitaux
Dans la période particulièrement favorable de 1924 à 1928, en plein développement des plantations d'hévéa, de thé, d'extension de la rizière cochinchinoise, d'intensification de l'extraction des produits miniers, les capitaux investis se répartissaient ainsi, en francs de l'époque, par colonies :
En Cochinchine............1.363.065.000
Au Tonkin..........................404.000.000
Au Cambodge..................350.000.000
En Annam.........................253.000.000
Au Laos.............................145.000.000
Soit..................................2.500.000.000
Par branches d'activité :
Agriculture.........................................39,7 %
Mines.................................................15,9 %
Industries de transformation........12,8 %
Eaux et électricité..............................3,1 %
Entreprises de travaux.....................0,4 %
Commerce.......................................11,9 %
Entreprises de transport.................2,7 %
Banques..........................................12,9 %
Sociétés d'assurances...................0,5 %
Pendant cette période, on a vu la colonisation agricole s'implanter en Annam et au Cambodge, se développer en Cochinchine, laisser hors du mouvement le Tonkin et le Laos où, par contre, la colonisation minière a été très active.
Il est difficile d'évaluer les capitaux privés placés en Indochine, surtout si l'on voulait tenir compte de la dévaluation de la monnaie. Il en est de même pour les émissions publiques. L'indication des milliards dépensés ne correspondrait pas à la réalité. Les prêts urbains et ruraux consentis aux riziculteurs depuis un demi-siècle ont été importants. Il est impossible de les chiffrer à la valeur présente du franc, mais ce qui est certain, c'est que le quart des sommes avancées par les banquiers hindous a quitté l'Indochine pour l'Inde, et l'autre quart a été réinvesti. A ces prêts, il convient d'ajouter ceux dûs aux Annamites.
Les dernières autorisations de contracter des emprunts publics sont épuisées, et les dettes exigibles - amortissement et service des intérêts - commencent à peser sur le budget général de l' « Union ». Etant donné ces dépenses et celles, indispensables, consacrées aux oeuvres sociales (enseignement, assistance médicale), l'énorme charge des dépenses de personnel qui sont inscrites dans les budgets locaux, les ressources disponibles pour les ?uvres d'intérêt économique sont extrêmement faibles, d'où la nécessité de recourir à l'emprunt. Il importe néanmoins que l'autorité du Gouverneur général et des chefs d'administration locale s'exerce avec vigilance pour empêcher les services de dépasser les crédits strictement utiles à leur fonctionnement. Les services des travaux publics se sont révélés, en maints cas, de grands dépensiers dans les territoires d'outre-mer. A côté de travaux remarquables, il en est dont la rentabilité ou l'opportunité est contestable ou dont les malfaçons sont bien connues.
Une partie du contrôle, dont les services sont à Paris, ne serait-elle pas plus à sa place auprès des gouverneurs généraux pour la lutte incessante contre les abus : nombre excessif d'automobiles, consommation d'essence pour des buts privés, constructions de bâtiments administratifs qui s'imposent moins que le secours aux malades, par exemple ? En outre, dans les années qui ont précédé la guerre, une part vraiment exagérée était faite à des missions fort coûteuses. Elles se succédaient. Le Gouvernement général était devenu un hôtel, et la table du chef ou celle des résidents supérieurs ne désemplissait pas. Il était si tentant, pour des personnages métropolitains, de venir passer sans frais d'instructives et plaisantes vacances en Extrême-Orient, dans des conditions qu'un voyageur fortuné n'aurait pas connues en se déplaçant pour son propre compte !

La réforme monétaire
Une ordonnance fédérale, datée du 14 novembre 1945, a porté annulation des billets de 500 piastres du modèle « imprimerie d'Extrême-Orient » et dont l'émission eut lieu entre les 9 mars et 23 septembre 1945. Quant aux autres billets de 500 piastres, ils doivent être déposés, portés au crédit de comptes spéciaux, bloqués pour une valeur équivalente à 70 % de leur valeur faciale et donner intérêt à 1 % jusqu'à nouvel ordre. L'opération a été décidée judicieusement, afin d'enlever l'usage des billets aux Japonais qui en possédaient de grosses quantités, en ce qui concerne ceux émis sur place. Elle est limitée à ces coupures qui représentent un quart de la circulation monétaire totale passée de 317 millions en décembre 1940 à 2.400 millions en septembre 1945. La population originaire, qui n'use que de petites coupures, n'est pas atteinte, et les pouvoirs publics n'appréhendent pas de répercussion profonde sur le prix des denrées alimentaires; seuls les commerçants chinois, touchés par le retrait, ont augmenté le prix de leurs marchandises.
Jusqu'en 1914, la monnaie légale de l'Indochine était simplement définie par son titre et son poids. En 1930, la stabilisation de la piastre fut opérée, de fait et de droit, en deux temps. Le Gouvernement put se dispenser d'un emprunt-or pour assurer le transfert en crédits-or de l'encaisse-argent et des avoirs se rapportant aux dépôts et aux réserves de la banque d'émission. A la faveur de demandes en argent de la Chine, il fut procédé à la liquidation des avoirs acquis pour le compte du Gouvernement général. La piastre indochinoise devenait l'équivalent de 655 milligrammes d'or au titre de 900/1000°. Elle valait, en pratique, dix francs. Elle n'était pas liée au franc-or, mais elle était attachée à l'or, bien que les deux monnaies ne pussent pré senter de grandes variations l'une part rapport à l'autre.
Après l'entrée de la France en guerre, en fin 1939, il fut question de décrocher la piastre du franc. Rien ne justifiait l'opération, qui n'eut pas lieu, heureusement, car elle n'aurait été réalisée qu'à des fins spéculatives.
Depuis le 27 décembre 1945, la piastre est passée à 17 francs. La mesure serait due au souci de garder à la monnaie sa valeur intérieure, élément principal de sa valeur au dehors, en même temps que l'opération fait partie de la politique d'assainissement monétaire dans laquelle le Gouvernement s'est engagé.


Extrait de "Indochine, une réalisation française", Paris - Editions de l'Agence Extérieure - 1946


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- La vocation textile du Tonkin
- Le "Compradore"
- Excursion aux ruines d'Angkor (1912)
- Les stations climatiques en Indochine
- Le reliquaire Khmer
- Messageries Maritimes : Saïgon
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